Compte-rendu du Tour de Suisse Challenge 2022 signé Helena Hlasova, cycliste passionnée et blogueuse pour Ride Rawr
Elle est plus jeune, plus petite, plus rapide et transpire moins que toi. Dans les moments sombres, lorsque tu te sens épuisée et à la limite, sa force devient ta frustration. Peut-être que dans ces moments-là, elle est tout ce que tu ne penses pas être, mais peut-être qu’elle représente exactement ce dont tu as besoin.
J’ai rencontré Céline pour la première fois lors du Tour de Suisse Challenge – une opportunité unique de vivre la vie d’un pro du cyclisme et rouler sur les étapes du Tour de Suisse, peu avant que les pros n’empruntent les mêmes parcours. Tu reçois un accès VIP, une bouteille d’électrolytes, des hydrates de carbone, et une assistance mécanique au moindre besoin. Et le soir, le massage que tes jambes méritent. – Céline a gagné le droit de participer aux quatre premiers jours du TDS Challenge dans le cadre d’un tirage au sort sur Instagram. Pour être honnête, j’ai surtout remarqué la robe féminine qu’elle portait lorsque je l’ai vue pour la première fois à l’hôtel. Mais le lendemain, lorsque j’ai enfourché mon vélo, mon attention s’est rapidement déplacée vers sa roue arrière alors qu’elle roulait devant moi et tous les hommes bien entraînés du groupe, J’ai alors réalisé que sa douce enveloppe extérieure était une ruse et que sous son sourire amical et son apparence féminine se cachait en fait un véritable animal.
Leçon n°1 : La féminité et la force peuvent aller de pair
Certains des memes que nous publions sur notre compte Instagram @riderawr suggèrent qu’une femme avec des cheveux et un maquillage parfaits sur son vélo n’est pas une « vrai » cycliste. Bien qu’il soit frustrant de voir des représentations irréalistes de femmes sur Internet, il nous faut reconnaître notre responsabilité en la matière. Au lieu de pointer du doigt les femmes qui se contentent de répondre aux attentes que nous avons créées en tant que société, nous devrions promouvoir d’autres exemples et mettre en avant toutes les autres versions de la beauté et du fait d’être une femme. De la même manière que nous ne pensons pas que la société devrait décider de ce qui est beau, nous ne devrions pas, en tant que communauté cycliste centrée sur les femmes chez @riderawr déterminer qui est une « véritable » cycliste ou non.
La première étape que nous avons parcourue ensemble, qui était la 2e étape du Tour de Suisse, a servi à faire le point sur nous-mêmes. Les 202 km au programme représentaient de loin mon plus long trajet, et pour rendre la chose encore plus piquante, nous devions précéder le peloton professionnel qui roulait vers nous. Nous sommes arrivés à un point où nous avons dû prendre une décision : Ceux qui voulaient s’arrêter au kilomètre 150 et rejoindre la zone VIP de l’aire d’arrivée pouvaient poser leur vélo et déguster une bière bien fraîche. En revanche, ceux qui voulaient terminer l’étape de 202 km devaient fournir encore un effort – et un gros. Je me trouvais à la limite de mes capacités physiques et je redoutais de ne pas pouvoir suivre le rythme du groupe. Céline, qui semblait avoir à peine transpiré, a alors dit : « Viens, on roulera ensemble jusqu’à l’arrivée. »
Je ne sais pas trop ce qui m’a motivé à continuer, les encouragements de Céline ou l’envie d’atteindre un nouvel objectif personnel, mais j’ai choisi de continuer. Nous avons atteint la première ascension des 50 derniers kilomètres et Céline était déjà plusieurs centaines de mètres devant moi. J’ai commencé à penser de manière passive-agressive : « Ce n’est pas vraiment rouler ensemble, ça », alors que je voyais ses jambes pédaler sans effort avec une cadence à faire pâlir d’envie Marianne Vos.



Dans de tels moments de lutte physique, j’ai été submergée par une frustration psychologique. J’étais en colère contre moi-même, d’avoir décidé de continuer, d’avoir choisi de me faire confiance, et toutes ces pensées se sont rapidement multipliées pour se transformer en autocritique, en comparaisons avec les autres, en l’idée que je n’étais pas « assez bonne » et que je ne franchirais probablement pas la ligne d’arrivée.
Lorsque nous avons atteint le sommet de l’ascension, j’étais à deux doigts de demander à l’accompagnateur si je pouvais monter dans le bus avec lui. Au lieu de cela, il m’a tendu un remède miracle : une canette de Coca-Cola. Je l’ai bue d’un trait et j’ai eu l’impression de revivre.
Comme par miracle, nous nous sommes relayées Céline et moi en tête du groupe durant l’heure suivante. Tout le monde était épuisé, et, alors que le coca coulait dans mes veines, nous avons continué à rouler comme nous avons pu. Puis, tout à coup, alors qu’elle et moi roulions côte à côte et formions le sillage pour le groupe d’hommes derrière nous, tout s’est éclairci dans mon esprit.
Leçon n°2 : Certaines personnes te soutiendront en restant à tes côtés et en te tenant la main lorsque tu te retrouves en mauvaise posture. D’autres te montreront en silence que c’est possible.
Quand Céline a dit : « On roulera ensemble jusqu’au bout », j’avais imaginé qu’elle roulerait à côté de moi et peut-être même qu’elle se plaindrait en ma compagnie. Mais au lieu de ça, elle gardait la tête bien en bas et la chaîne à droite. Le problème n’était pas que Céline était une mauvaise amie et qu’elle me laissait tomber, mais le fait que je jugeais la situation négativement : J’ai interprété ça comme si elle était meilleure que moi, ce qui signifie par conséquent que je suis nulle. Alors qu’il aurait fallu me dire : « Wouah, regarde cette femme, comment elle mène le groupe et sa manière d’être un modèle. Si elle peut le faire, je peux le faire aussi. »
Il est difficile de s’abandonner à sa propre réalité et de l’accepter, de s’accepter soi-même et d’accepter les autres. Mais plus nous le faisons, moins nous nous jugeons et plus nous parvenons à utiliser notre environnement pour atteindre nos objectifs, plutôt que de nous attacher à nos limites.
Merci beaucoup Céline pour ta métaphore du vent. Pour m’avoir ouvert les yeux sur ce qui est réalisable ! Pour m’avoir aidé à réaliser que les seules limites que j’ai sont celles que je me fixe moi-même.